langues étrangères appliquées
Elle est passée par ici, elle repassera par là
Il s’est passé tellement de choses depuis la semaine dernière !
C’est
pas vrai, et la courtoisie anglaise c’est une légende ? Je ne pensais
jamais me retrouver dans un hall d’hôtel si sordide un jour. Même les fleurs de
la tapisserie sont fanées ! Et puis c’est quoi cette idée de poser une
fouine empaillée sur le comptoir ?! Comment font-ils pour figer ces
animaux d’ailleurs... On les tue pour le faire ou on les ramasse une fois morts
pour les fourrer de paille ? Ce n’est quand même pas un vieil animal de
compagnie dont on n’a pas voulu se séparer, je n’ai encore vu personne promener
sa fouine au bout d’une laisse dans la rue !
« Can I help you
Sir ? »
Théo
était si focalisé sur son objectif qu’il avait presque fait abstraction du pays
où il se trouvait, et il fut paradoxalement surpris que l’on s’adresse à lui en
anglais. Il réalisa brusquement que sa maitrise approximative de la langue
pourrait freiner ses recherches.
Il m’a fallu une semaine entière, mais j’ai finalement
découvert ce que je cherchais dans un des plus beaux lieux de représentation de
la ville. J’y ai rencontré un vieil anglais qui m’a fait découvrir un album
photo où étaient recensées toutes les troupes qui avaient dansé ici.
Emma y figurait, malgré son
bandage à la cheville. Ma joie a été de courte durée : c’était bien beau d’avoir
une photo d’elle, mais à quoi pouvait-elle me servir pour la suite ?
Et puis… en m’attardant sur le
cliché, je me suis aperçu que certains membres de la troupe tenaient un billet
entre leurs mains, sûrement pour se rendre sur le lieu de leur prochain spectacle.
J’ai pu lire la destination : Milan. Vous vous en doutez bien, j’ai
rassemblé toutes mes affaires et je me suis envolé dès que j’ai pu pour la
capitale de la mode.
Une fois arrivé, je me suis installé
dans une auberge de jeunesse avant de poursuivre mon investigation. J’étais tellement
obnubilé par Emma que j’en ai oublié Sophie. Elle m’a appelé morte d’inquiétude :
cela faisait plus d’une semaine qu’elle était sans nouvelles de moi ! Je
lui ai menti. Oui, encore. Mais c’était pour la bonne cause. Je lui ai dit que
j’étais à Lyon chez un ami pour me relaxer un peu avant le début de mon stage.
Aussitôt après, je me suis rendu
dans un petit théâtre de la ville, je n’aurais jamais pensé que la troupe reconnue
d’Emma puisse faire une date dans ce bouiboui. Et pourtant…
Sa
prochaine étape était un petit théâtre dans le sud de la ville. Après la
célèbre scène de Londres, Théo ne plaçait pas beaucoup d’espoir dans cette
salle vétuste mais la chance semblait aujourd’hui lui sourire. A peine entré
dans le hall, un homme vint vers lui, les bras grands ouverts. Théo eut tout
juste le temps de placer deux mots en anglais avant que le sympathique
quadragénaire ne l’arrête. Il entama lui-même la conversation dans un français
impeccable.
« Tu
es français toi, je ne me trompe pas ? »
Théo
était un peu étonné, comment avait-il deviné ? Son accent ridicule ?
Ses vêtements ?
« Français
oui, exactement.
_Qu’est-ce
que je peux faire pour toi mon grand ? demanda l’italien.
_Voilà,
je suis à la recherche d’un ballet de danse, la troupe Rébit, et je me
demandais s’ils ne se seraient pas produits ici il y a trois ans ?
_Rébit,
bien sûr, c’est mon ami Alain qui la dirige ! Un spectacle fantastique.
Normalement, leur tournée ne passait que par les plus grandes salles
européennes mais comme je suis le cousin du directeur, il m’a fait une faveur.
On a fait un carton ce soir là, c’était favolosi !
_Oui
vraiment ? Et, heu, vous savez où ils sont maintenant ? Vous pouvez me
donner les coordonnées de cet Alain ? Apparemment la troupe a été dissoute
et je n’arrive pas à la retrouver !
_Non,
elle a juste changé de nom. Rébit, c’était un homme d’affaires, un mécène
aussi, c’est lui qui finançait le ballet. Mais son entreprise a fait faillite,
alors Alain a fait appel à un autre businessman. Tu sais, même les affaires
culturelles vivent grâce au business maintenant. Attends-moi ici, je vais te
noter tout ce que tu dois savoir. »
L’homme
bedonnant revint d’une arrière-salle avec un morceau de papier où étaient
inscrits le nom de cet Alain, son adresse personnelle et même la salle où il
enseignait à Paris.
J’avais l’impression de rêver ! J’allais enfin rencontrer une personne qui côtoie toujours Emma !
Je vous écris depuis Paris où je suis revenu tout à l’heure. Demain, c’est le grand jour. Je vais rendre une petite visite à cet Alain. Il aura les réponses à mes questions, j’en suis persuadé ! Je vous dirai évidemment tout de notre entrevue la semaine prochaine.
Lundi, midi précise…