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N'y pense plus

29 décembre 2009

suite et (presque) fin

Nos adieux

Bonjour,

Aujourd’hui ce n’est pas Théo qui vous parle, mais Rémy, son auteur.

Je suis obligé de prendre la parole parce que Théo n’est pas en mesure de le faire. Il s’est frotté au gang de Tony et il semblerait que ça se soit mal passé…

Notre héros a réussi à se frayer un chemin jusqu’au voyou. Il n’a même pas eu besoin de chercher, ses hommes sont directement venus à lui.

« Salut mec, salua t-il. Je t’ai jamais vu dans le quartier, tu viens de débarquer ?

_Pas exactement, bredouilla Théo. Enfin… d’une certaine façon oui.

_Tu vends aussi des friandises ? »

Théo pressentait qu’il devait répondre par l’affirmative. S’il s’agissait bien de ce qu’il pensait, ces trois hommes le conduiraient directement à Tony.

« Oui. Je n’en ai pas sur moi là, mais je viens prendre quelques commandes.

_OK. J’ai quelque chose à te proposer pour arrondir tes fins de mois. Les flics deviennent de plus en plus emmerdants, ça devient dur de faire des affaires ces temps-ci.

_Je t’écoute… »

Comme le jeune homme l’avait deviné, il avait en face de lui le bras droit de Tony. Ce dernier décrivit à Théo la combine dont Albert profitait, avant de lui soumettre cette même offre.

« Ouais, ça peut m’intéresser, feignit le garçon. Mais je pense que je peux vous intéresser moi aussi. Je ne suis pas un de ces petits dealers qui vend quelques grammes par semaine. Non, en fait je suis ici pour motiver mes gars. J’ai une quarantaine de petites mains qui refourguent des kilos de dope dans toute la ville. Si on s’associe, ton boss et moi, ça peut rapporter un max ! C’est avec lui que je veux négocier, emmène-moi le voir. »

Le bras droit accepta. Le prix à payer pour rencontrer Tony était lourd : Théo devait se faire passer pour un gros trafiquant alors qu’il était incapable de faire la différence entre de la farine et de la cocaïne. Il n’osait pas imaginer le sort qui lui serait réservé s’il venait à être découvert. Le petit groupe monta dans une grosse berline garée un peu plus loin pour se rendre dans l’un des squats gérés par cette mafia.

Théo a fait la rencontre du leader. Il l’avait convaincu de lui laisser Emma en échange d’un pourcentage sur ses activités. Mais tout ne s’est pas déroulé comme prévu.

Le garçon dissimulait son angoisse sous une pointe d’arrogance. Tony lui fit enfin un signe de la tête vers l’étage : il pouvait y retourner ! A la quatrième marche franchie, Tony revint à la charge.

            « Hé connard, en vingt ans de métier j’ai encore jamais vu de caïd se balader avec des tennis et un T-shirt Petit Bateau ! ».                     

            Théo eut à peine le temps de tourner la tête vers Tony avant de recevoir le premier coup de poing qui le fit dévaler les escaliers. La deuxième armoire à glace s’avança pour lui témoigner également toute sa sympathie en lui offrant un coup de tête qui fit gicler le sang du nez du punching-ball. Tony criait tandis que les coups continuaient à pleuvoir sur Théo, recroquevillé à terre.

            « Tu crois que tu es le premier connard à me jouer ce tour ?! Tu crois que tu peux venir chez moi et voler mon gagne-pain ? Tu n’imagines même pas combien de petit-amis, de pères ou d’oncles j’ai massacré parce qu’ils avaient essayé de récupérer leurs proches. Qui qu’ait été cette Emma pour toi, elle ne t’appartient plus ! Tant qu’elle me ramènera du blé chaque mois, tu n’as plus aucun droit sur elle tu m’entends ?! Maintenant casse-toi. Et si tu t’avises de prévenir les flics, tu pourras récupérer Emma, mais dans un cercueil… »

Après ça, Théo est rentré chez lui. Il s’est reposé quelques jours pour se remettre de son passage à tabac. Et, un matin, il sortit l’arme factice avec laquelle il avait menacé Alain Duroy.  Théo ne pensait jamais avoir à s’en servir à nouveau. Il avait décidé de tenter le tout pour le tout, le grand bluff !

A quelques pas de la porte, Théo sortit brusquement l’arme de sa poche et menaça le duo en espérant que leur regard ne s’attarde pas sur les détails de son jouet.

« Vous l’ouvrez ou vous faites un geste qui ne me plait pas et vous êtes morts. On va entrer sagement tous les trois dans l’immeuble. Une fois à l’intérieur, vous allez vous coucher sur le sol, les mains écartées, sans que je vous le dise. Ensuite, tout se passera bien pour vous si vous ne bougez pas. Je n’en ai pas pour longtemps, je viens seulement récupérer la fille. »

La dextérité et la concentration de Théo furent mises à l’épreuve lorsqu’il s’apprêta à remonter les marches. Il devait à la fois surveiller que personne ne se lève dans le hall tout en progressant vers l’appartement du premier étage.  Il ne pouvait y croire ! Il y était, tous ses sacrifices allaient enfin payer ! La main de Théo saisit la poignée et exerça la pression nécessaire pour la faire basculer. Il se prépara à entrer et à rencontrer Emma quand il poussa la porte. Il jeta un premier coup d’œil dans l’appartement puis… Un coup de matraque l’assomma. Plus rien. Le noir total.

C’est ici que se termine ce blog, mais l’aventure continue ! Théo est sur le point de découvrir ce que ses ravisseurs vont faire de lui. Il aura aussi la réponse sur l’énigme d’Emma.

Si ces extrais vont ont plu et si vous mourrez d’envie de connaître la suite de l’histoire de Théo, cliquez sur ce lien. Il vous conduira au roman intégral « N’y pense plus ».

Théo et moi-même avons été ravis de partager cette aventure avec vous !

http://www.lulu.com/content/livre-%c3%a0-couverture-souple/ny-pense-plus/8096186

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21 décembre 2009

retour à la réalité

Coke & Co

Incroyable. La semaine a défilé et je suis toujours libre ! Même si je suis passé par la case prison. Pourquoi ? Pas d’inquiétude, je vais vous détailler l’incroyable aventure que j’ai vécue.

Après avoir eu la preuve qu’Emma ne dansait plus, j’ai bien dû me rendre à l’évidence : elle est aujourd’hui amnésique et toxicomane.

Le monde des trafiquants me fait trembler, mais il a bien fallu que je m’y plonge pour avoir une chance de la retrouver. Au début, je ne savais pas par où commencer. Et puis, je me suis rappelé de ce restaurant dans lequel m’avait amené Sophie. Le quartier était plutôt inquiétant.

Une amie avait conseillé à Sophie un petit restaurant italien dans le 18ème. Le garçon lui demanda en plaisantant si c’était bien une amie qui lui avait indiqué ce quartier. L’endroit était sordide : ils passèrent devant des immeubles vides, les dealers semblaient attendre leurs clients sur les trottoirs, discutant avec des prostituées pour tuer le temps. L’établissement dans lequel ils entrèrent était à peine moins malsain qu’à l’extérieur, mais après la journée épouvantable qu’il venait de passer, Théo se sentait capable d’avaler n’importe quoi n’importe où.

            J’ai hâte de découvrir la carte… Comme amuse-bouche je pense que nous allons avoir droit à un petit ecsta. Pour le plat je ne suis pas encore sûr, je sens que le choix va être difficile… Papardelle à l’héroïne ? Tagliatelle au LSD ? Pizza au lubrifiant ? En dessert par contre, je fais confiance au chef pour la spécialité maison : le tiramisu magique. Une couche de shit sur une autre de préservatifs multicolores, le tout saupoudré de coke colombienne. Vu la tête des clients dans la salle, je ne dois pas être loin du compte…

Je suis logiquement retourné près de ce restaurant pour poursuivre l’enquête. J’abordais tous les dealers que je croisais pour leur demander s’ils n’avaient pas une Emma pour cliente. Et finalement…

Théo alla tenter sa chance dans l’allée suivante, davantage plongée dans l’obscurité. A peine avait-il abordé le premier trafiquant qu’une intense lumière illumina tous les murs. Les sirènes de police se firent entendre presque simultanément, faisant comprendre au garçon qu’il se trouvait au beau milieu d’une descente.

Pris dans le tumulte, il fit exactement la même chose que tous ceux qui foulaient le macadam : prendre ses jambes à cou en évitant les matraques qui fendaient l’air glacial de la nuit. La moitié de cet étrange troupeau échappa au loup, malheureusement Théo faisait partie de l’autre moitié. Un agent le plaqua violemment sur le sol avant de lui passer les menottes comme il l’avait imaginé chez Alain. Quel coup de chance ! Il avait suffit qu’il approche le monde de la drogue une seule fois dans sa vie pour en être puni.

Voilà qui explique mon passage en prison. Mais finalement, ça a été un véritable coup de chance de me faire embarquer ! Je partageais ma cellule avec quelques dealers. J’ai continué à les interroger derrière les barreaux et l’un d’entre eux connaissait Emma !

« Je ne connais pas exactement l’adresse de cette fille mais je sais qui l’héberge : Tony. Enfin, Tony et son organisation. On « travaille » ensemble lui et moi. Il loue des squats sur lesquels il a mis la main avec sa bande. Dès qu’un immeuble est abandonné dans Paris, Tony envoie ses hommes déloger les clochards qui l’occupent et il refile ces appartements vides à ceux qui ne peuvent pas accéder au marché légal. Tu ne trouveras pas meilleurs prix dans la capitale : deux cents euros le mois pour un trente mètres carrés, évidemment sans eau courante ni électricité. Il a développé un véritable secteur de l’immobilier parallèle, avec des prospecteurs chargés de recruter les locataires. C’est là que nous intervenons, moi et les gars que tu vois ici. On essaye d’établir une relation avec nos clients, la plupart vivent dans la rue ou presque. On leur glisse qu’on a une solution pour eux, des logements abordables… Ensuite, on les envoie vers Tony et lui nous donne une commission. On touche deux fois plus comme ça, et avec les mêmes clients : sur la came et sur les apparts ! Mais fais attention à toi mon ami, Tony est un homme dangereux, très dangereux, tu mets les pieds dans quelque chose qui te dépasse totalement. »

Je suis finalement sorti du commissariat tout à l’heure. Demain, j’irai à nouveau dans ce quartier malsain et cette fois, c’est ce Tony ou l’un de ces gars que je chercherai.

Revenez la semaine prochaine pour en savoir plus. Cette fois, on touche vraiment au but !

15 décembre 2009

Case prison

Dans l’attente de Columbo

Je vous écris depuis mon appartement. J’attends sagement de me faire cueillir par les flics. Je crois que j’ai fait une très grosse bêtise…

Cette histoire m’a littéralement fait péter les plombs !

Hier, j’ai harcelé Alain au téléphone toute la journée. J’ai commencé à l’appeler dès six heures du matin et je ne me suis pas arrêté jusqu’à ce qu’il décroche enfin, tard dans la nuit. Il était hors de lui !

Il m’a raconté sa version de ce qui était en train de se passer mais j’étais persuadé qu’il me mentait encore une fois. Il m’a dit que la danseuse que je prenais pour Emma était une autre ballerine qui lui ressemblait beaucoup. Cette fille s’est soi-disant fait poignarder par un petit ami jaloux l’année dernière. Depuis, elle est terrorisée dès que quelqu’un essaye de l’approcher.

Je ne l’ai pas cru, j’avais l’impression de devenir fou ! Je voulais faire parler Alain coûte que coûte, mais je suis allé beaucoup trop loin…

L’après-midi suivant, le garçon entra dans un magasin de jouets sereinement. Il en ressortit beaucoup plus tendu : l’achat qu’il venait de réaliser le faisait basculer dans un monde où il n’avait jamais eu à mettre les pieds. Il répéta toute la journée la scène qu’il  jouerait le soir. Discours concis et incisif, gestes précis et adroits… Il se préparait comme l’aurait fait un acteur. Après tout, ce n’était ni plus ni moins qu’une pièce qu’il allait devoir délivrer dans le 16ème arrondissement.

Il était si concentré qu’il reconnut sa démarche dans les escaliers. Il se leva d’un bond. Le chorégraphe était sur le point de glisser sa clé dans la serrure de sa porte quand il sentit une pression dans le bas de son dos.

            « Je te conseille d’entrer normalement sans faire de bruit murmura Théo, sinon je te fais éclater les reins avec ce que je tiens entre les mains. »

            Les doigts du chorégraphe tremblaient tant qu’il eut du mal à tourner la clé. Théo, submergé par l’adrénaline, était satisfait de son effet. Il avait l’impression de prendre la place du héros des films qu’il allait voir au cinéma. A l’intérieur, il ordonna à Alain de s’asseoir en brandissant son revolver en plastique. L’otage laissa échapper une remarque qui conforta le garçon dans ses convictions.

            « Elle fait vraiment chier, soupira t-il.

            _J’espère que tu vas te montrer plus bavard qu’au téléphone ! dit Théo.

            _Ça va, tu as gagné, fit Alain. Je vais tout t’avouer. Quelle histoire de fou… »

Je pensais enfin toucher au but ! Mais au lieu de me dire ce que je voulais entendre, Alain est resté fidèle à sa version, malgré la fausse arme que j’avais entre les mains.

Il m’a même proposé d’appeler la ballerine en question, pour que je me rende compte par moi-même de la ressemblance. Quand elle est arrivée, tous mes espoirs se sont envolés. J’avais l’impression d’avoir le sosie d’Emma en face de moi.

Là, j’ai paniqué : j’avais menacé un homme avec une arme ! Elle était fausse, bien évidemment, mais j’avais commis une prise d’otage !

L’euphorie qui maintenait tous les sens du garçon en alerte était maintenant retombée. Il revenait peu à peu à la réalité. La certitude d’obtenir des réponses à ses questions lui avait fait oublier de prévoir ce qu’il aurait à faire s’il se méprenait. Comment pouvait t-il se sortir de cette situation avec ce pistolet en plastique ? Il n’était même pas question de négocier avec Alain, cela ne servirait à rien. Théo était persuadé que sa victime irait porter plainte à l’instant où il passerait la porte. L’idée d’être jugé pour séquestration, avec l’arme comme circonstance aggravante, le fit paniquer. La peur qui l’envahit l’empêcha de réfléchir. Il ramassa son jouet et sortit de l’appartement en courant sans un mot pour les deux autres.

Je suis rentré chez moi. Je m’attends à voir débarquer la police d’une minute à l’autre. Je ne veux pas m’enfuir, toute cette comédie a assez duré, et je dois payer pour ce que j’ai fait.

Si par chance je suis toujours en liberté la semaine prochaine, je vous dirai ce qu’il m’est arrivé.

A lundi. J’espère.

8 décembre 2009

l'époustouflant spectacle

Chassés croisés 

Cette semaine a été riche en événements ! Je crois que je ne peux même pas vous dire si j’ai avancé dans mes recherches.

J’ai bien fait ce que je vous avais dit dans mon précédent billet. Je me suis d’abord rendu à l’hôpital. J’ai eu de la chance, j’ai rencontré une infirmière qui avait souvent côtoyé Emma durant son séjour. Elle était même devenue sa confidente.

Au début, j’étais très content de ce qu’elle me disait : Emma avait presque tout oublié de sa vie, même son nom de famille. Tout… sauf moi ! Elle a parlé de moi à cette infirmière, elle lui a même confié que j’étais son grand amour ! J’ai alors pensé qu’elle n’arrivait simplement pas à se souvenir de mon nom ou de l’endroit où j’habitais. Voilà pourquoi elle n’était jamais revenue vers moi !

Mais j’ai vite déchanté. La suite de ses révélations m’a mis à terre.

_ Et je ne suis pas sûre non plus que ce que je vais vous dire va vous plaire. L’accident a changé Emma. J’ai essayé de la soutenir du mieux que j’ai pu mais elle était vraiment à bout lors de son séjour. La vie lui était insupportable. Imaginez : vous perdez vos amis, vos souvenirs, toute votre vie en fait ! Pour la réconforter, je lui disais qu’elle devait prendre l’accident comme un nouveau point de départ, une chance de tout reconstruire. Moi, si je pouvais repartir à zéro, je ne serais pas dans cet hôpital, je m’accrocherais à mes rêves. Elle m’a répondu que c’était le contraire pour elle. Ses rêves, elle les avait réalisés, et elle les avait maintenant perdus. La danse, vous… elle n’avait plus rien qui la pousse à continuer. Je me souviens parfaitement de cette phrase qu’elle m’a dite un jour : « quand on a déjà tout perdu, il ne reste plus qu’à se perdre soi-même ». Et je crois qu’Emma cherchait à « se perdre » par tous les moyens : elle s’est faite surprendre deux fois dans la pharmacie en train de voler de la méthadone. Elle a quitté l’hôpital dès qu’elle a pu, contre l’avis de tous les médecins qui la suivaient. J’évite de penser à elle maintenant… j’ai peur de ce qui a pu lui arriver. »

            Théo fut d’abord abasourdi par cette information. Mais en y réfléchissant, elle ne l’étonnait pas vraiment. Il le savait : Emma était une personne extrême. Seulement, il l’avait connue dans une période où tout allait pour le mieux, une période où son état d’esprit était excessivement positif. Et même si l’univers de la drogue lui était totalement étranger, il comprit qu’Emma était une cible idéale. Elle vivait ses émotions, même les plus sombres, si intensément qu’elle avait dû chercher à soulager sa souffrance par n’importe quel moyen.

Je me suis peut-être montré lâche, mais ma première réaction a été de me mettre à la recherche de l’autre Emma. Vous savez, celle qui danse toujours, celle que j’ai aperçue dans le magazine chez les parents de Sophie. Ça me faisait trop mal de penser qu’elle ait pu basculer dans l’enfer de la drogue. Si l’infirmière disait vrai, elle avait logiquement dû céder à l’héroïne après ses shoots de méthadone.

Je me suis alors demandé comment je pouvais retrouver Emma la danseuse, celle qui avait miraculeusement guéri sa cheville. La réponse m’a paru évidente : il fallait que j’aille voir un des spectacles de la troupe.

Ce fut donc à « l’Etoile du Nord », dans le 18ème, qu’il se rendit en premier. La troupe « Joly » devait y présenter sa dernière chorégraphie, plébiscitée par les critiques. La salle comptait à peine deux cents places, et le ballet dansait bien entendu à guichet fermé. A l’entrée, Théo proposait à chaque spectateur de lui racheter son billet. Il fit monter les enchères au fur et à mesure des refus, jusqu’à ce qu’un homme hésite, puis lui cède finalement sa place pour le triple de son prix. Du premier rang, Théo pourrait scruter tous les danseurs qui allaient fouler la scène.

            Tiens, encore un couple bien assorti à côté de moi ! La beauté de la jeune trentenaire se marie très bien avec la Rolex de son vieux compagnon… Ils doivent avoir quoi, trente ou trente cinq ans d’écart. Et encore s’il n’y avait que l’âge ! On a l’impression qu’elle vient tout juste de mettre fin à une carrière de mannequin alors que lui est petit, bedonnant et vu la façon dont il lui parle, il n’a pas l’air d’être un rigolo. Je me demande de quoi elle est le plus amoureuse : sa gold, le loft qu’il a dû acheter dans le 16ème ou la Porsche avec laquelle ils sont probablement venus ? Et j’aimerais aussi savoir comment il l’a séduite… Au beluga ?au Tiffany’s ?

La salle et les tergiversations de Théo se turent aux extinctions des lumières.

J’ai passé la moitié de la représentation à me tordre sur mon siège pour tenter d’apercevoir Emma. Je commençais vraiment à me sentir bête d’avoir payé ma place une fortune, tout ça pour rien.

Et puis, trois nouvelles danseuses ont fait leur entrée. Elles étaient maquillées et déguisées de façon à ressembler à des hommes. C’est pour cela que ça ne m’a pas sauté aux yeux tout de suite. Mais, soudain…

Il fixait le visage qui tournoyait sur toute la largeur de la scène, passant parfois même devant son siège. C’est de cette manière que leurs regards se croisèrent durant un infime instant. Cet éclair sembla foudroyer Théo aussi bien que la jeune femme. Pour le garçon, la décharge qu’il avait ressentie le long de son dos n’avait pas pu être provoquée par une autre personne qu’Emma. Il balaya ses derniers doutes, poussé par l’envie de faire de cette jeune danseuse celle qui l’avait délaissé. Il tenta d’obtenir confirmation, se tordant dans son siège pour apercevoir une nouvelle fois ce profil familier. Si c’était bien elle et qu’elle l’avait également remarqué, elle le regarderait à nouveau ! Mais ce fut tout le contraire : la ballerine devint insaisissable. Sa tête virevoltait si vite durant les rares moments où elle se tournait vers le public que l’on pouvait la confondre totalement avec un homme.

A sa sortie de scène, je me suis précipité dans les coulisses pour l’intercepter. Je touchais au but quand Alain m’a barré la route... Il m’a menacé d’appeler la police si je ne partais pas.

Et voilà, je suis donc chez moi en ayant la certitude d’avoir vu Emma et que son chorégraphe m’a menti pour la protéger de je ne sais quoi.

Mais je découvrirai tout, je vous le promets. Je trouverai le moyen de faire parler Alain avant la semaine prochaine.

Je vous dis à lundi, toujours à midi.

3 décembre 2009

1+1=?

Dédoublement de personnalité 

Salut et pardon pour ce petit retard,

Je suis de retour à Paris cette semaine. Les nouvelles sont loin d’être réjouissantes… Et pour couronner le tout, l’affaire se complique !

A la Timone, on m’a appris qu’Emma ne se souvenait de rien quand on l’avait amenée aux urgences. Apparemment, elle se serait violemment cognée la tête lors de son accident. Elle a été transférée dans un hôpital parisien où l’on soigne les cas d’amnésie dans un service spécialisé. Voilà pourquoi je suis revenu dans la capitale.

Je dois aller me renseigner dans cet établissement demain. En attendant, ce soir, j’ai dîné chez mes beaux-parents avec Sophie. Impossible d’y couper : ma copine ne supportait plus de ne pas me voir et Jeff, mon beau-père, voulait à tout prix que je lui raconte comment se déroulait le stage que j’étais censé suivre.

Bien évidemment, j’ai dû mentir pendant tout le repas. Mais ça ne m’a pas dérangé, au contraire ! La soirée est passée plus vite, je m’amusais comme un gamin à inventer des histoires sur mon quotidien dans le cabinet d’audit de Carlson.

Ce qui aurait dû mettre la pression sur ses épaules avait plutôt pour effet de le détendre. Il voyait tout cela comme un jeu, une pause dans sa poursuite effrénée d’Emma. Théo se permit même d’inventer des détails sur sa relation avec Carlson ou dans ses tâches pour donner encore plus de crédibilité au scénario.

Les réflexions ininterrompues qui défilaient dans sa tête avaient eu l’avantage de développer son imagination. Il raconta ainsi comment il s’était débrouillé pour casser trois agrafeuses coup sur coup, décrivit le café brûlant qu’il renversa sur le tailleur de la secrétaire ou encore le strabisme de son plus proche collaborateur. Théo présuma que sa vie au sein du cabinet n’aurait pas été beaucoup plus palpitante s’il avait réellement suivi son stage. Sophie, elle, avait l’air heureux. Les occasions de voir son compagnon étaient devenues si rares !

J’étais à mille lieux d’imaginer que je découvrirai ce soir-là un élément qui allait bouleverser mon enquête. Et pourtant… Cela s’est passé alors que nous nous étions installés dans le salon pour prendre le café.

Théo attrapa un magazine au hasard sur la table basse placée au milieu de la pièce et le feuilleta. « Paris Culture ». De grandes photographies accompagnaient les critiques des pièces de théâtre, opéras, expositions, ballets, festivals et même des cirques.

            Dire que je ne l’ai jamais vu danser… Il paraît qu’elle était vraiment douée. Ce n’est pas vraiment mon truc mais j’aurais donné n’importe quoi pour la voir esquisser quelques pas comme cette fille sur la photo. Ou ces petits sauts tellement drôles comme l’autre danseuse dans le coin de la scène. Cette fille au coin de la scène…mais, mais, C’EST EMMA ! Non, attends, reprends-toi mon grand ce n’est pas possible, elle ne danse plus, tout le monde te l’a certifié. Calme-toi, calme-toi. Bon, jette quand même un coup d’œil, qui est le directeur du ballet ? Ca ne peut pas être lui. Incroyable ! Alain Duroy, celui que je suis allé voir dans son appartement ! Il m’aurait menti ? Respire… ne t’emballe pas, tu sais qu’elle s’est brisé la cheville, et c’est même pour ça qu’elle a ouvert sa boutique à Marseille. Et puis on ne la distingue pas si bien que ça cette danseuse, le fond de la scène est à moitié flou…

            Toute la famille regardait Théo d’un air inquiet mais ce fut Sophie qui le réveilla.

            « Ca va mon chéri ? Tu es tout pâle. »

            Le garçon profita de son nouveau teint blafard pour déguerpir.

            « Pas très bien, je crois que ma grippe récidive, je vais vous laisser, je ne voudrais pas vous la transmettre, j’ai dû lutter pour m’en débarrasser. Jeff, cela vous embête si j’emporte ce magazine ? J’aimerais emmener votre fille voir un spectacle. »

            Théo refusa de se faire raccompagner par sa petite amie. Il rentra, éclaira son studio du mieux qu’il put, prit une loupe et passa des heures à dévisager la ballerine.

Et depuis, je suis chez moi. Je n’arrive pas à me coucher. Mes yeux sont fixés sur cette photo, je n’arrive pas à m’en détacher. Cette fille ressemble tant à Emma… Je ne sais plus où j’en suis.

C’est comme si… c’est comme si deux Emma coexistaient. L’une (celle du magazine) est toujours en train de danser dans la troupe d’Alain. Et l’autre est une fille amnésique qui a dû arrêter sa carrière prématurément. Laquelle chercher ? Des preuves accréditent les deux hypothèses. D’un côté, il y a cette photo et le nom du chorégraphe d’Emma dans cette revue, et de l’autre il y a évidemment tous les gens que j’ai rencontrés et qui m’ont assuré qu’ils avaient connu Emma.

Je ne sais vraiment pas quoi faire…

Je crois que je vais d’abord me rendre à l’hôpital, les éléments de mon enquête sont trop solides pour que je m’en détourne maintenant.

Je vous dirai la semaine prochaine si j’ai pris la bonne décision… à lundi

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22 novembre 2009

Temps mort

Faux désespoir

 

J’ai bien failli faire un arrêt cardiaque hier quand on m’a annoncé la mort d’Emma !

Mais je vais plutôt reprendre du début pour que vous compreniez bien. 

Comme vous le savez, je suis arrivé à Marseille pour trouver une éventuelle boutique qu’Emma tiendrait. Cette ville a l’air magnifique, mais je n’étais pas là pour faire du tourisme. Je me suis directement mis à la recherche des rues les plus commerçantes pour tenter de dénicher une vitrine où seraient exposés des accessoires de danse classique. J’en ai aperçu une, mais Emma n’était malheureusement pas à l’intérieur du magasin.

 

Emma n’était pas non plus dans le second qu’il visita, mais sa propriétaire la connaissait, ou plutôt elle l’avait connue… Théo comprit vite qu’Emma et cette vieille dame aigrie n’avaient pas été amies. Quand il lui demanda si elle savait où étaient situés les autres commerces en rapport avec la danse, la vielle lui rétorqua qu’elle avait assez de concurrence comme ça, qu’elle n’allait pas en plus envoyer ses clients potentiels chez eux ! 

Théo lui expliqua calmement qu’il n’était pas ici pour acheter quoi que ce soit, mais pour trouver un éventuel magasin tenu par une certaine Emma Lasoret. En entendant son nom, la vendeuse se mit dans tous ses états.

« Oui, cette petite peste… Elle s’était installée à à peine une centaine de mètres, vous vous rendez compte ? Avec son joli petit minois et ses jolies petites fesses, plus personne ne venait ici. J’ai failli fermer la boutique ! Heureusement, c’est elle qui a plié bagage. Je n’ai pas compris d’ailleurs, avec tous les clients qu’elle m’a piqué ça devait bien marcher pour elle. Moi, je suis bien contente qu’elle soit partie ! »

 

J’ai alors couru à l’adresse où elle s’était installée. Il y avait une cordonnerie à la place. Le vieil homme à qui j’ai eu à faire m’a révélé cette fameuse nouvelle que mon cœur a failli ne pas supporter.

 

« Je ne sais pas vraiment ce qui lui est arrivé. Quand on m’a proposé cet emplacement pour une bouchée de pain, je n’ai pas trop posé de questions. Ecoutez, jeune homme, je n’ai jamais eu à faire directement avec cette fille. Tout ce qu’on m’en a dit, c’est qu’elle a eu un grave accident, un très grave accident de voiture sur le Prado. Un choc très violent il paraît. »

Les derniers mots du vieil homme mirent Théo KO. Il était persuadé qu’Emma était morte dans cet accident, cette explication était macabrement cohérente avec tout son parcours !

 

Un choc. C’était un vrai choc pour moi. Tout ce qu’il me restait à faire à ce moment là, c’était de chercher une preuve de cette mort. Pour clore cette histoire, pour poursuivre ma vie, sans toutes ces questions.

Le lendemain, j’ai d’abord essayé le centre d’archives de la ville, mais aucun article ne relatait l’accident. J’ai alors décidé de me rendre à la mairie pour réclamer directement un acte de décès… Et là, on m’a annoncé tranquillement qu’aucune Emma Lasoret n’était enregistrée. J’ai cru devenir fou ! Emma réussissait à m’échapper même depuis l’au-delà.

Lorsque je suis ressorti de la mairie, je me suis retrouvé nez à nez avec le petit vieux de la veille. Combien de chances y avait-il que je recroise le même homme dans une ville si vaste ?! Je ne savais pas comment réagir alors que lui semblait plutôt heureux de me revoir.

 

Alors qu’il poussa la porte de l’hôtel de ville pour sortir, il tomba nez à nez avec le cordonnier. Il ne savait pas s’il devait saluer ou éviter celui qui lui avait enlevé tous ses espoirs. Le hasard faisait vraiment très mal les choses. Combien y avait-il de chances qu’il recroise la même personne le lendemain dans une si grande ville ?! Le vieil homme, lui, ne semblait pas plus surpris que cela.

« Jeune homme ! Je suis désolé pour ce que je vous ai dit hier, vous aviez l’air très affecté… Quel joie en tout cas de vous revoir ! Enfin, pas pour les raisons que vous croyez, je ne suis pas sadique. Mais vous êtes parti si vite… Mes souvenirs sont revenus peu à peu et je me suis rappelé que l’homme avec lequel j’avais traité m’avait confié un détail supplémentaire. La jeune fille avait été emmenée d’urgence à l’hôpital, je crois même que c’était l’hôpital de la Timone ! »

Théo le tua du regard. Il avait « oublié » ?! Il s’était démené pour débusquer une preuve de la mort d’Emma la journée entière et maintenant il lui disait qu’elle avait été peut-être seulement blessée ! Il tourna les talons en se retenant de le gifler. La scène lui laissait une impression bizarre. Emma avait-elle raison quand elle parlait de destin ? Encore une fois, il était prêt à reprendre sa vie à Paris et il avait reçu un ultime renseignement qui lui permettait de poursuivre l’investigation !

 

Je vous écris depuis un café du vieux port. Je cours à la Timone.

Je vous donne rendez-vous lundi prochain pour découvrir ce que j’y aurai appris.

16 novembre 2009

On dirait le Sud...

La théorie du vide


Quelle journée ! 

Ce matin, je me suis rendu chez cet Alain très tôt. Comprenez-moi : je ne pouvais plus attendre une seconde de plus, j’étais si proche du but… Du moins, je le pensais.

 

Théo décida de se rendre directement au domicile d’Alain Duroy. Il n’avait plus le temps de respecter les règles de politesse élémentaires, il ne pouvait patienter jusqu’à des heures plus convenables. Dans les rues et le métro qui le conduisaient dans le 16ème arrondissement, la silhouette du garçon filait d’un pas décidé. Chacune de ses trajectoires était calculée pour gagner quelques secondes. Tout ce qui pouvait le rapprocher du dénouement était bon à prendre. 

  Escaliers ou escalators ? Escaliers ! Il y a tellement de gens qui rechignent à faire travailler leurs gambettes... Allez, plus que quelques marches et ça sera la dernière ligne droite. Bon, apparemment ils m’ont réservé un vrai parcours du combattant pour le final. On traverse la route pour éviter les échafaudages, on contourne sans la vexer cette dame qui recouvre la largeur du trottoir. Attention, un piège ! Une jeune maman de jumeaux nous fonce droit dessus avec sa poussette biplace. On se déporte sur le macadam pour déjouer l’embuscade. Non, pas ça ! Un touriste, appareil photo autour du cou et banane à la taille, se dirige vers nous, impossible d’éviter la rencontre. Non désolé, je ne parle pas anglais. Ha, vous parlez français ? Oui dîtes-moi. Non, je ne sais pas dans quelle direction se trouve la Tour Eiffel, non vraiment, je, heu… je viens d’emménager ! De rien, vous aussi, au revoir. Plus que quelques mètres. Voilà, on y est.

Un habitant de l’immeuble bouscula Théo, statique devant la grosse porte en bois. Le garçon en profita pour s’engouffrer dans le sillage du propriétaire. Il devina le bon étage grâce aux boîtes aux lettres disposées à l’entrée, puis emprunta l’ascenseur pour accéder au 4ème. Là, il sonna directement à la porte. Un homme d’une cinquantaine d’années, visiblement en très bonne forme physique, lui ouvrit. Théo réalisa qu’il avait un peu exagéré sur l’horaire en voyant la robe de chambre d’Alain Duroy.

 

Il a été très gentil. Il m’a reçu et a répondu à toutes mes questions. Mais je ne m’attendais pas aux réponses qu’il m’a données…

Il m’a expliqué que trois années plus tôt, Emma avait peu à peu repris les répétitions, puis les spectacles. Mais elle s’était rapidement blessé. Une mauvaise réception sur la cheville qui avait déjà été fragilisée. La sentence avait été sans appel : elle ne pouvait plus danser, en tout cas plus professionnellement. Depuis ce jour, Alain n’a plus de nouvelles d’elle, ni aucun membre de la troupe d’ailleurs. Emma a rompu tout ce qui la liait à la danse.

Ce chorégraphe est un mec plutôt sympa, il était désolé de ne pas pouvoir m’aider. Tout ce qu’il a pu me donner, c’est son adresse de l’époque. Vous imaginez bien que j’y suis allé sans perdre une seconde.

Une nouvelle déception m’attendait là-bas. J’étais à bout de nerfs ! L’immeuble était désaffecté. J’ai inspecté chaque appartement vide, sans savoir vraiment ce que je cherchais. Lorsque j’ai redescendu les escaliers, j’ai aperçu ces boîtes aux lettres. Je me suis alors approché et j’ai découvert une chose que je n’espérais plus depuis longtemps !

 

Puis il vit une lettre qui n’était pas de la réclame. L’enveloppe était jaunie, elle paraissait être là depuis au moins des mois, voire des années. Quand il la retourna, Théo reconnut immédiatement son écriture. « Pour Théo » : le destinataire ne pouvait être plus explicite ! 

Avant de l’ouvrir, une foule de questions vinrent à son esprit. Pourquoi avoir placé cette lettre ici après son départ ?! Emma savait bien qu’il ne connaissait pas cette adresse ! Pourquoi ne pas l’avoir tout bêtement déposée sur la table ou le lit de son studio ? Théo n’attendit pas plus longtemps avant de décacheter le trésor. Un peu d’encre coula étrangement entre ses doigts mais la teinture qu’avait pris le papier indiquait bien qu’elle avait été écrite plusieurs années auparavant. 

 

« Mon amour,

J’ai tout sacrifié à la danse depuis que j’ai sept ans, et je me suis promise que je ne commencerai à vivre ma vie de femme seulement après ma carrière. J’ai trop travaillé pour intégrer une troupe, devenir danseuse professionnelle, je n’ai pas le droit de tout abandonner pour une histoire d’amour, même la plus incroyable. Je ne pourrai pas me partager entre toi et la danse. Le ballet est mon amant, un amant possessif. Il requiert tant de discipline, de travail, de concentration, de dévouement qu’il ne laisse aucune place pour autre chose. Je sais que ces mots te feront mal, et j’ai aussi mal en les écrivant. J’ai mal mais je ne suis pas triste. J’ai confiance en notre destin, tu sais à quel point je fais confiance au destin Théo. Je suis persuadée qu’il nous réunira le moment venu. On réalisera alors tous les projets que nous avions imaginés. On s’installera tous les deux au soleil, à Marseille, tu auras un petit atelier près des calanques, tu vendras tes pots près des ports, moi j’ouvrirai une boutique de ballerines, et on vivra heureux, loin de tout, loin des autres. Je ne sais pas si tu supporteras cette séparation, voilà pourquoi je te laisse cette lettre, elle évitera peut-être des adieux déchirants. Mais si tu veux me dire au revoir, sache que je prends le premier train pour Londres demain, gare du Nord.

   Emma »

 

Presque quatre années plus tard, une lettre d’Emma ! Je ne voyais plus qu’une seule chose à faire pour progresser : me rendre à Marseille. Peut-être qu’elle y avait entamé sa nouvelle vie, même sans moi.

Avant ce nouveau voyage, mon portable a sonné. J’avais oublié que mon stage devait commencer aujourd’hui !

 

 L’homme au bout du fil semblait furieux. Théo devait faire un choix. Maintenant. Poursuivre des recherches qui resteraient sans doute vaines ou se ranger, saisir la dernière chance de raccrocher sa vie normale. Il avait deux secondes pour décider.

 « Bonjour monsieur Carlson, lança t-il courageusement.

 _Théo, si je ne me trompe pas, vous deviez commencer ce matin à huit heures. Si je ne me trompe pas, vous n’avez prévenu personne de votre retard et si je ne me trompe pas, vous êtes en train vous griller à vie dans cette boîte ! Vous en êtes conscient ?! Si j’ai supporté votre petit numéro lors notre entrevue, c’est uniquement parce que mon ami Jeff vous a fortement recommandé, pour ne pas dire qu’il m’a obligé à vous recevoir. Alors si vous ne rappliquez pas ici très vite, je ne trouverai plus d’excuses pour déchirer votre convention !

 _Bon écoutez, Monsieur Carlson, on va passer un marché tous les deux. Vous n’avez aucune envie de me voir dans vos bureaux et je n’ai aucune envie d’y mettre les pieds. On va donc mentir à Jeff, lui faire croire que je remplis ma mission avec talent au sein de votre cabinet. Vous serez tranquille avec lui, et moi je pourrai faire ce que j’ai à faire, et ce n’est sûrement pas de l’audit !

 _Très bien, mon garçon, je crois que vous devenez tout simplement fou mais marché conclu, je préfère tromper Jeff que passer quatre mois avec un énergumène pareil ! »

 Carlson fut surpris par l’aplomb de Théo, transformé, sûr de lui. L’étudiant était très content de lui-même, il était libre pour son enquête ! C’était parfait : il pouvait prétendre aux parents de Sophie et aux siens que tout se passait merveilleusement, et prétexter la fatigue d’un stage épuisant pour voir sa petite amie le moins possible.

 

Cette fois, je ne peux plus faire machine arrière. Je suis fou de m’embarquer dans une histoire aussi insensée ! Je suis arrivé à Marseille ce soir. Demain, j’irai à la recherche des boutiques de ballerines de la ville. Qui sait, peut-être qu’Emma sera derrière une des caisses ?

Je vous ferai partager le résultat mes recherches lundi prochain, toujours à la même heure.

9 novembre 2009

langues étrangères appliquées

Elle est passée par ici, elle repassera par là


Il s’est passé tellement de choses depuis la semaine dernière !

J’ai énormément progressé dans mon enquête, je ne pensais pas avancer aussi vite ! Mon plan était simple en arrivant à Londres : je devais visiter une à une toutes les salles où la troupe d’Emma avait pu danser il y a trois ans. Je ne devais en oublier aucune. Même si elle ne pouvait être sur scène, Emma avait pu transiter par l’une d’entre elles.

 

  L’avion atterrit sous une pluie de bienvenue à Heathrow. Théo tenait fermement quelques feuilles imprimées des adresses où il devait se rendre. Il s’était occupé de tout, sauf d’un détail que son empressement lui avait fait occulter : le logement. Il se rendit compte de son étourderie avec effroi avant de prendre une navette pour le nord de Londres. Là, il parcourut les rues, évidemment sans parapluie, à la recherche d’un hôtel abordable. Il s’engouffra dans la première pension qu’il aperçut et s’empressa de tapoter la sonnette de l’accueil d’abord calmement, puis avec insistance. Trempé et à bout de force, il avait épuisé toutes ses réserves de patience. Les minutes défilaient mais personne ne vint l’accueillir.

 C’est pas vrai, et la courtoisie anglaise c’est une légende ? Je ne pensais jamais me retrouver dans un hall d’hôtel si sordide un jour. Même les fleurs de la tapisserie sont fanées ! Et puis c’est quoi cette idée de poser une fouine empaillée sur le comptoir ?! Comment font-ils pour figer ces animaux d’ailleurs... On les tue pour le faire ou on les ramasse une fois morts pour les fourrer de paille ? Ce n’est quand même pas un vieil animal de compagnie dont on n’a pas voulu se séparer, je n’ai encore vu personne promener sa fouine au bout d’une laisse dans la rue !

 « Can I help you Sir ? »

 Théo était si focalisé sur son objectif qu’il avait presque fait abstraction du pays où il se trouvait, et il fut paradoxalement surpris que l’on s’adresse à lui en anglais. Il réalisa brusquement que sa maitrise approximative de la langue pourrait freiner ses recherches.

 

Il m’a fallu une semaine entière, mais j’ai finalement découvert ce que je cherchais dans un des plus beaux lieux de représentation de la ville. J’y ai rencontré un vieil anglais qui m’a fait découvrir un album photo où étaient recensées toutes les troupes qui avaient dansé ici.

Emma y figurait, malgré son bandage à la cheville. Ma joie a été de courte durée : c’était bien beau d’avoir une photo d’elle, mais à quoi pouvait-elle me servir pour la suite ? 

Et puis… en m’attardant sur le cliché, je me suis aperçu que certains membres de la troupe tenaient un billet entre leurs mains, sûrement pour se rendre sur le lieu de leur prochain spectacle. J’ai pu lire la destination : Milan. Vous vous en doutez bien, j’ai rassemblé toutes mes affaires et je me suis envolé dès que j’ai pu pour la capitale de la mode.

Une fois arrivé, je me suis installé dans une auberge de jeunesse avant de poursuivre mon investigation. J’étais tellement obnubilé par Emma que j’en ai oublié Sophie. Elle m’a appelé morte d’inquiétude : cela faisait plus d’une semaine qu’elle était sans nouvelles de moi ! Je lui ai menti. Oui, encore. Mais c’était pour la bonne cause. Je lui ai dit que j’étais à Lyon chez un ami pour me relaxer un peu avant le début de mon stage.

Aussitôt après, je me suis rendu dans un petit théâtre de la ville, je n’aurais jamais pensé que la troupe reconnue d’Emma puisse faire une date dans ce bouiboui. Et pourtant…

 

Sa prochaine étape était un petit théâtre dans le sud de la ville. Après la célèbre scène de Londres, Théo ne plaçait pas beaucoup d’espoir dans cette salle vétuste mais la chance semblait aujourd’hui lui sourire. A peine entré dans le hall, un homme vint vers lui, les bras grands ouverts. Théo eut tout juste le temps de placer deux mots en anglais avant que le sympathique quadragénaire ne l’arrête. Il entama lui-même la conversation dans un français impeccable.

 « Tu es français toi, je ne me trompe pas ? »

 Théo était un peu étonné, comment avait-il deviné ? Son accent ridicule ? Ses vêtements ?

 « Français oui, exactement.

 _Qu’est-ce que je peux faire pour toi mon grand ? demanda l’italien.

 _Voilà, je suis à la recherche d’un ballet de danse, la troupe Rébit, et je me demandais s’ils ne se seraient pas produits ici il y a trois ans ?

 _Rébit, bien sûr, c’est mon ami Alain qui la dirige ! Un spectacle fantastique. Normalement, leur tournée ne passait que par les plus grandes salles européennes mais comme je suis le cousin du directeur, il m’a fait une faveur. On a fait un carton ce soir là, c’était favolosi !

 _Oui vraiment ? Et, heu, vous savez où ils sont maintenant ? Vous pouvez me donner les coordonnées de cet Alain ? Apparemment la troupe a été dissoute et je n’arrive pas à la retrouver !

 _Non, elle a juste changé de nom. Rébit, c’était un homme d’affaires, un mécène aussi, c’est lui qui finançait le ballet. Mais son entreprise a fait faillite, alors Alain a fait appel à un autre businessman. Tu sais, même les affaires culturelles vivent grâce au business maintenant. Attends-moi ici, je vais te noter tout ce que tu dois savoir. »

 L’homme bedonnant revint d’une arrière-salle avec un morceau de papier où étaient inscrits le nom de cet Alain, son adresse personnelle et même la salle où il enseignait à Paris.

 

J’avais l’impression de rêver ! J’allais enfin rencontrer une personne qui côtoie toujours Emma !

Je vous écris depuis Paris où je suis revenu tout à l’heure. Demain, c’est le grand jour. Je vais rendre une petite visite à cet Alain. Il aura les réponses à mes questions, j’en suis persuadé ! Je vous dirai évidemment tout de notre entrevue la semaine prochaine.

Lundi, midi précise…

2 novembre 2009

çe ne fait que commencer...

Un peu plus près

 

Il faut que je me dépêche de vous écrire, je dois commander des billets pour Londres. Pourquoi je pars ? Vous le saurez avant la fin de ce billet.

Par où commencer pour retrouver Emma ? 

Il y a trois ans, je l’avais cherché dans tous les lieux que nous avions en commun. Je ne connaissais même pas l’endroit où elle vivait ! Une chambre de bonne misérable selon Emma, qu’elle ne voulait surtout pas me montrer tant elle en avait honte. 

Vous vous demandez sûrement comment on peut « perdre » sa copine comme ça ? En fait c’est assez simple : il suffit que vous ne connaissiez pas son adresse, que son nom n’apparaisse ni sur internet ni dans les fichiers de la police et que son téléphone sonne toujours dans le vide…

A cette époque, je m’étais rendu dans le bar et le cinéma que je vous ai décrits dans mon précédent post. Pas d’Emma. J’avais alors abandonné mes recherches et entamé ma dépression qui se traduit encore maintenant par tout ce méli-mélo qui encombre ma tête. Mais, en y réfléchissant bien, je me suis rendu compte que j’avais négligé un seul lieu : le parc Monceau.

Alors, oui, c’est peut-être ridicule, mais hier, j’ai passé la journée à Monceau. J’ai même dû mentir à Sophie pour expliquer mon absence à notre cours de marketing. Pas question de lui parler d’Emma, et encore moins de mes recherches !

 

Sophie appela Théo juste avant que leur cours de marketing ne commence quand elle ne le vit pas dans la salle. Au bout du fil, le garçon simula une grosse toux qui rendait sa voix à peine perceptible.

« Non, je suis cloué au lit. Le médecin m’a dit que c’était très contagieux. Je vais me reposer, je pense que ça ira mieux lundi.

_Le médecin ? Il n’est même pas huit heures et tu as déjà vu un médecin ?! s’étonna-t-elle.

_Oui, enfin, j’ai fait venir un médecin de garde cette nuit, je me sentais vraiment mal. Ecoute, ça me fatigue de parler, donc je vais te laisser, on se voit la semaine prochaine. »

A bout d’arguments, après une nuit blanche, Théo préféra écourter la conversation. Avec cette invention, il serait tranquille pour quelques jours. 

L’étudiant n’avait pas dormi de la nuit mais il ne perdit pas une minute pour se mettre en marche, plein d’entrain. Il eût vite accompli sa première ronde dans le parc de taille modeste. Les promeneurs auraient pu le prendre pour un détraqué. Le jeune homme examinait chaque visage qui venait vers lui, inspectait chaque détail physique. La fatigue lui brouillait la vue : il devait plisser les yeux et se pencher en avant pour distinguer les personnes qui s’approchaient de lui.

C’est quand même drôle de mettre tant de cœur à préserver un petit espace de verdure dans une ville que l’on s’est acharné à bétonner. Ce parc, c’est la bonne conscience de l’urbaniste, c’est le mea culpa de l’architecte. Le parc de la ville, c’est un peu l’oasis du désert. Et d’ailleurs, pourquoi l’inverse n’a jamais été tenté ? Un petit espace de bitume dans un désert de sable. Ça serait marrant de se promener en pleine jungle, de faire tomber une dernière liane à la machette pour se retrouver nez-à-nez avec un cinéma multiplexe ! Ou alors d’apercevoir au loin sur la banquise du pôle nord une galerie marchande ! Ou encore…

 

J’ai arpenté le parc la journée entière pour, bien logiquement, rentrer bredouille… Qu’est-que je croyais ? Qu’Emma m’attendrait là trois années plus tard un bouquet de fleurs à la main pour se faire pardonner ? Je me suis senti bête de continuer à espérer, tellement bête ! Et pourtant, je me suis promis de ne pas lâcher. Cette fois-ci, je continuerai tant que je ne l’aurais pas en face de moi !

Et l’unique piste qu’il me reste est ce parc. C’est pourquoi j’y suis retourné ce matin. Mes pieds comptabilisent cinq ampoules à eux deux. Je peux vous dire que je connais l’endroit par cœur, je pourrais en faire le tour les yeux fermés. J’ai marché sans m’arrêter, en scrutant tous les visages que je croisais, jusqu’à ce que la chance me sourie enfin. Enfin…

 

Les yeux de Théo se figèrent soudainement. Son regard était plongé dans le vide, mais il fut averti par des traits qui lui étaient familiers. Il avança pour être sûr. Ses sensations étaient si fortes que le garçon devait approcher lentement, comme si ses petits pas étaient les amortisseurs qui encaissaient les impacts successifs de surprise, de mélancolie, de joie et d’espoir. La fille ne se promenait pas, elle paraissait attendre quelqu’un. Arrivé à quelques mètres, Théo n’eut plus de doute : c’était Janelle, l’amie d’Emma. Celle dont le grand-père possédait l’atelier de poterie. Elle s’était teint les cheveux, elle avait un peu changé, mais c’était bien Janelle ! 

 Les jambes de Théo tremblaient lorsqu’il se risqua à aborder la fille d’une voix écrasée par l’émotion.

« Janelle ? ».

La blonde ne se retourna pas tout de suite. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre que c’était elle que l’on appelait. Des secondes interminables pour Théo qui fut saisi de vertiges. Elle se retourna enfin complètement et l’expression de son visage confirma qu’elle le reconnaissait.

« Théo ?! Je ne m’attendais jamais… enfin, pas du tout à te revoir !

_Moi si, balbutia-t-il, en tout cas, je l’espérais !

_Comment vas-tu depuis le temps ? lui demanda-t-elle. »

 Le garçon avait vécu un enfer depuis le départ d’Emma, il se posait continuellement des questions à cause d’elle, et Janelle se contentait de prendre de ses nouvelles ! Théo transpirait à grosses gouttes, il touchait au but, la fille allait enfin lui apporter des réponses.

 « Pour tout te dire je ne vais pas très bien Janelle. Je ne sais même pas par où commencer… Où aviez-vous tous disparus ?! Où est Emma ?! Tu sais pourquoi elle m’a quitté ?! enchaîna le jeune homme.

 _Mais nous n’avons jamais disparu Théo !

 _Le bar, je vous ai attendu des jours dans ce bar où nous allions tous ! Vous n’y êtes pas revenus ! lança-t-il d’un ton presque accusateur.

 _Le bar… Oui, ce bar là. Il devenait de plus en plus mal famé. Un ami nous a fait découvrir un autre café beaucoup plus sympa dans le 10ème, voilà tout.

 _Et Emma ! Et Emma Janelle ! Tu sais qu’elle m’a quitté sans me dire un mot ?!

 _Avec Emma on s’est perdu de vue tu sais. A l’époque, elle nous avait confié en avoir assez de ne plus pouvoir danser, elle n’arrêtait pas de répéter que le ballet lui manquait. Elle nous a dit qu’elle allait rejoindre la troupe à Londres.

 

Vous comprenez mieux pourquoi je me rends dans la capitale anglaise ? Je dois faire vite, je veux partir demain matin. Je vous laisse, mais je vous dirai ce que j’ai découvert la semaine prochaine. 

N’oubliez pas, lundi, à midi.

26 octobre 2009

second round

Entre rêve, cauchemar, et réalité

 

Donc : qui est Emma ?

Il y a quatre ans je vous aurais répondu « la femme de vie », « ma plus grande histoire d’amour »… Aujourd’hui je dirais un cauchemar. Ou plutôt un rêve qui a pointé le bout de son nez avant de se volatiliser.

Emma est danseuse. Ou était. Je ne sais plus si je dois parler d’elle au présent ou au passé. Nous nous sommes rencontrés alors que je venais de terminer ma prépa. Elle, de son côté, était en repos forcé après une vilaine blessure à la cheville…

 

Après deux années de bachotage intensif, le jeune homme venait d’achever une série de concours qui devaient déterminer l’Ecole qu’il allait intégrer. Pour décompresser, il avait décidé de retrouver le cours de poterie qu’il avait dû trop souvent délaisser pour ses révisions. Il s’y rendit un mercredi après-midi sans qu’il ne se doute de rien. D’ailleurs, qui pouvait se douter qu’à cause d’un dysfonctionnement du four de l’atelier, un incendie allait se déclarer si vite qu’il laisserait à peine le temps aux potiers en herbe de rejoindre le trottoir ? La fumée et les flammes attirèrent une foule de curieux qui s’amassa autour des rescapés. C’est là que le regard de Théo croisa celui d’Emma. Leurs premières paroles ne débordèrent pas de romantisme. Scrutant tour à tour les mains couvertes d’argile brune de Théo et le feu, la jeune fille prit un air grave pour le questionner : « La fosse sceptique a explosé ? »

D’abord ébahi par les yeux verts de la jeune fille puis stupéfait par sa réplique, Théo laissa échapper un rire nerveux. Qui se transforma rapidement en un fou rire. Un fou rire si puissant qu’il gagna peu à peu Emma, finalement pliée en deux comme son interlocuteur. Théo ne sut jamais si ce fut son humour ou sa candeur qui était à l’origine de sa réflexion, mais il bénit ces paroles. Elles leur avaient permis de partager une complicité aussi soudaine qu’intense.


Les quelques mois qui ont suivi ont été magiques, tout simplement magiques. Même si… même si je dois bien l’avouer : cette fille était parfois étrange. Pas vraiment étrange… je ne sais pas comment dire, je sais juste que plusieurs événements m’ont perturbé pendant que j’étais avec elle.

Il y a d’abord eu sa prise de poids… Non, je ne suis pas un obsédé de la minceur. Mais prendre huit kilos en moins de dix jours, vous ne trouvez pas ça bizarre ? Et tous les reperdre en deux semaines, avouez qu’il y a quelque chose qui cloche !

S’il n’y avait eu que cela… Un matin, Emma est revenue de la salle de bain de mon studio en se tenant le sein : elle croyait sentir une grosseur. Je vérifie à mon tour. Je ne décèle rien. On file à l’hôpital pour en avoir le cœur net. Et là, l’horreur ! Le diagnostic est sans appel : c’est une tumeur cancéreuse. Emma doit commencer au plus vite une chimiothérapie mais l’état d’avancement de la maladie ne lui laisse pas beaucoup de chances. Et puis, comme par magie, le matin où l’on partait pour le CHU, un médecin nous appelle : le dossier d’Emma avait été confondu avec celui d’une patiente malade !

Vous voyez, ce sont une multitude de petites choses curieuses qui, au lieu de s’étaler sur la vie d’Emma, s’étaient concentrées sur les quelques mois que nous avons vécus ensemble. C’est là que j’ai commencé à me poser des questions : pourquoi ça tombait toujours sur elle ? Je n’en dormais plus la nuit alors qu’elle regagnait instantanément son insouciance après chaque coup de théâtre.

Ces bizarreries ne concernaient pas qu’Emma… Toute sa vie était aussi « spéciale ». Prenez ses amis par exemple : vous en connaissez beaucoup des Mao, Titus, Saskia et Janelle ?! C’était pourtant les prénoms que portaient les membres de sa bande de copains. Pareil pour les lieux où on les rencontrait. Toujours les mêmes : le parc Monceau, un cinéma vétuste dans le 4ème et un petit bar assez mal fréquenté du 5ème. Bref, tout son univers me paraissait irréel tant il était singulier.

Mais cet univers, il s’est envolé avec elle, un matin d’automne. Je me suis réveillé et elle n’était simplement plus là. J’ai d’abord pensé à une surprise ou à une blague, mais j’ai compris dès le lendemain qu’elle ne reviendrait pas… à la fin de la semaine, j’avais totalement perdu espoir. J’ai pourtant tout fait pour la retrouver, à commencer par prévenir la police.

 

Les agents tapèrent le nom et le prénom de la danseuse dans leur base de données. Le verdict de la machine était sans appel : aucune Emma Lasoret n’y était enregistrée. Le commissaire était furieux qu’on lui ait fait perdre son temps. Théo l’était face à tant d’incompétence. Il revint au studio à la hâte pour conduire lui-même les recherches.

Le garçon écuma tous les réseaux sociaux existants sur le web, à la recherche du moindre indice. Mais la réponse de son ordinateur était identique à celle des policiers : Emma Lasoret n’existait pas. Le garçon était désorienté, il se demanda s’il n’était pas devenu fou, s’il n’avait pas imaginé cet amour disparu ! Seuls ses parents étaient là pour lui confirmer qu’ils avaient aussi rencontré la jeune fille.

 

A l’époque, j’avais stoppé mes recherches. C’était la rentrée, je n’avais plus le temps, ni la force. C’est à partir de ce moment-là que mon cerveau s’est mis à dérailler pour échapper à Emma. Il fallait qu’il s’occupe en permanence pour ne pas penser à elle.

Aujourd’hui j’en ai assez ! Je veux vivre en paix, avec Sophie. Je n’ai jamais retrouvé cette passion qui enflammait ma vie avec Emma, mais je suis bien avec elle. Je veux me construire sans toutes ces questions qui ne me laissent aucun moment de répit. J’ai donc décidé de répondre à LA question pour que se taisent toutes les autres.

Il faut que je retrouve Emma.

Je commence mes recherches dès aujourd’hui. Je ferai le point sur mon parcours lundi prochain, à midi. Je compte sur vous pour venir prendre de mes nouvelles.

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